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Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/297

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en perdre le boire et le manger. Il nous avoua qu’il aurait fait une maladie, si nous la lui avions refusée.

— Maintenant, repris-je, tu restes à dîner, n’est-ce pas ?… Alors, à la soupe tout le monde ! J’ai une faim du tonnerre de Dieu, moi !

Ce soir-là, nous fûmes onze à table. On avait mis Gaspard près de Véronique, et il restait à la regarder, oubliant son assiette, si ému de la sentir à lui, qu’il avait par moments de grosses larmes au bord des yeux. Cyprien et Aimée, mariés depuis trois ans seulement, souriaient. Jacques et Rose, qui avaient déjà vingt-cinq ans de ménage, demeuraient plus graves ; et, pourtant, à la dérobée, ils échangeaient des regards, humides de leur vieille tendresse. Quant à moi, je croyais revivre dans ces deux amoureux, dont le bonheur mettait, à notre table, un coin de paradis. Quelle bonne soupe nous mangeâmes, ce soir-là ! Tante Agathe, ayant toujours le mot pour rire, risqua des plaisanteries. Alors, ce brave Pierre voulut raconter ses amours avec une demoiselle de Lyon. Heureusement, on était au dessert, et tout le monde parlait à la fois. J’avais monté de la cave deux bouteilles de vin cuit. On trinqua à la bonne chance de Gaspard et de Véronique ; cela se dit