Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/35

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mère. » Le capitaine Burle avait posé les coudes sur la table, mâchant lentement, absorbé. Une chaleur montait, l’unique lampe qui éclairait la table, laissait les coins de la vaste pièce dans une ombre vague. C’était un bien-être alourdi, une intimité de gens sans fortune, qui ne changent pas d’assiette à tous les plats, et qu’un compotier plein d’œufs à la neige, servi au dernier moment, met en gaieté.

Rose, dont les talons lourds faisaient danser la table, lorsqu’elle tournait derrière les convives, n’avait pas encore ouvert la bouche. Elle vint se planter près du capitaine, elle demanda d’une voix rauque :

— Monsieur veut du fromage ?

— Hein ? quoi ? dit Burle en tressaillant. Ah ! oui, du fromage… Tiens bien l’assiette.

Il coupa un morceau de gruyère, tandis que la petite, debout, le regardait de ses yeux minces. Laguitte riait. Depuis le commencement du repas, Rose l’amusait énormément. Il baissait la voix, il murmurait à l’oreille du capitaine :

— Non, tu sais, je la trouve épatante ! On n’a pas le nez ni la bouche bâtis comme ça… Envoie-la donc un jour chez le colonel, histoire de la lui montrer. Ça le distraira.