Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/58

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Le plus inquiet, le plus bouleversé était certainement le major. Huit jours s’étaient passés, l’inspection générale devait commencer le surlendemain. Rien ne venait. Il tremblait d’avoir giflé son vieil ami, donné sa démission, pour le plaisir, sans retarder le scandale d’une minute. Lui tué, il n’aurait pas l’embêtement de voir ça ; et, s’il tuait Burle, comme il y comptait, on étoufferait l’affaire tout de suite : il aurait sauvé l’honneur de l’armée, et le petit pourrait entrer à Saint-Cyr. Mais, nom de Dieu ! ces gratte-papier du ministère avaient besoin de se presser ! Le major ne tenait plus en place ; on le voyait rôder devant la poste, guetter les courriers, interroger le planton chez le colonel, pour savoir. Il ne dormait plus, et se fichant du monde désormais, il s’abandonnait sur sa canne, il boitait abominablement.

La veille de l’inspection, il se rendait chez le colonel une fois encore, lorsqu’il resta saisi, en apercevant à quelques pas madame Burle, qui menait Charles au collège. Il ne l’avait pas revue, et, de son côté, elle s’était enfermée chez elle. Défaillant, il se rangea sur le trottoir, pour le lui laisser tout entier. Ni l’un ni l’autre ne se saluèrent, ce qui fit lever de grands yeux étonnés au petit garçon. Madame Burle, l’air froid, la taille haute, frôla le major,