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Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/59

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sans un tressaillement. Et lui, quand elle l’eut dépassé, la regarda s’éloigner d’un air d’ahurissement tendre.

— Nom de Dieu ! je ne suis donc pas un homme ! grogna-t-il en renfonçant ses larmes.

Comme il entrait chez le colonel, un capitaine, qui était là, lui dit :

— Eh bien ! ça y est, le papier vient d’arriver.

— Ah ! murmura-t-il, très pâle.

Et il revoyait la vieille dame s’en aller, avec l’enfant à la main, dans sa raideur implacable. Tonnerre de Dieu ! dire qu’il avait souhaité si ardemment l’arrivée du papier depuis huit jours, et que ce chiffon-là, maintenant, le bousculait et lui chauffait à ce point les entrailles !

Le duel eut lieu le lendemain matin, dans la cour de la caserne, derrière un petit mur. L’air était vif, un clair soleil luisait. On fut presque obligé de porter Laguitte. Un de ses témoins lui donnait le bras, tandis qu’il s’appuyait de l’autre côté sur sa canne. Burle, le visage bouffi d’une mauvaise graisse jaune, avait l’air de dormir debout, comme assommé par une nuit de noce. Pas une parole ne fut échangée. Tout le monde avait hâte d’en finir.

Ce fut le capitaine Doucet, un des témoins, qui engagea le fer. Il recula et dit :