Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/81

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blessent ses habitudes d’économie et de rigidité. L’affection seule surnage et pardonne. Au fond de ses yeux suppliants, on lit qu’elle leur demande en grâce d’attendre qu’elle ne soit plus là, avant de vider ses tiroirs et de se partager son bien. Ce partage, devant elle, serait une torture pour son avarice expirante.

Cependant, Charles, Georges et Maurice se montrent très bons. Ils s’entendent, de façon à ce qu’un d’eux soit toujours près de leur mère. Une sincère affection paraît dans leurs moindres soins. Mais, forcément, ils apportent avec eux les insouciances du dehors, l’odeur du cigare qu’ils ont fumé, la préoccupation des nouvelles qui courent la ville. Et l’égoïsme de la malade souffre de n’être pas tout pour ses enfants, à son heure dernière. Puis, lorsqu’elle s’affaiblit, ses méfiances mettent une gêne croissante entre les jeunes gens et elle. S’ils ne songeaient pas à la fortune dont ils vont hériter, elle leur donnerait la pensée de cet argent, par la manière dont elle le défend jusqu’au dernier souffle. Elle les regarde d’un air si aigu, avec des craintes si claires, qu’ils détournent la tête. Alors, elle croit qu’ils guettent son agonie ; et, en vérité, ils y pensent, ils sont ramenés continuellement à cette idée, par l’interrogation muette de ses regards.