Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/80

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donner toutes les clefs et de les cacher sous son oreiller. Elle veut, de son lit, gouverner encore, protéger ses armoires contre le gaspillage. Des luttes se livrent en elle, des doutes la déchirent. Elle ne se décide qu’après de longues hésitations. Ses trois fils sont là, et elle les étudie de ses yeux vagues, elle attend une bonne inspiration.

Un jour, c’est dans Georges qu’elle a confiance. Elle lui fait signe d’approcher, elle lui dit à demi-voix :

— Tiens, voilà la clef du buffet, prends le sucre… Tu refermeras bien et tu me rapporteras la clef.

Un autre jour, elle se défie de Georges, elle le suit du regard, dès qu’il bouge, comme si elle craignait de lui voir glisser les bibelots de la cheminée dans ses poches. Elle appelle Charles, lui confie une clef à son tour, en murmurant :

— La femme de chambre va aller avec toi. Tu la regarderas prendre des draps et tu refermeras toi-même.

Dans son agonie, c’est là son supplice : ne plus pouvoir veiller aux dépenses de la maison. Elle se souvient des folies de ses enfants, elle les sait paresseux, gros mangeurs, le crâne fêlé, les mains ouvertes. Depuis longtemps, elle n’a plus d’estime pour eux, qui n’ont réalisé aucun de ses rêves, qui