Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/91

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sique, même à un degré assez avancé. Le mari est devenu blême, en entendant cet aveu. Il aime Adèle, pour le long effort qu’ils ont fait ensemble, avant de manger du pain blanc tous les jours. Il n’a pas seulement en elle une femme, il a aussi un associé, dont il connaît l’activité et l’intelligence. S’il la perd, il sera frappé à la fois dans son affection et dans son commerce. Cependant, il lui faut du courage, il ne peut fermer sa boutique pour pleurer à son aise. Alors, il ne laisse rien voir, il tâche de ne pas effrayer Adèle en lui montrant des yeux rouges. Il reprend son train-train. Au bout d’un mois, quand il pense à ces choses tristes, il finit par se persuader que les médecins se trompent souvent. Sa femme n’a pas l’air plus malade. Et il en arrive à la voir mourir lentement, sans trop souffrir lui-même, distrait par ses occupations, s’attendant à une catastrophe, mais la reculant dans un avenir illimité.

Adèle répète parfois :

— Ah ! quand nous serons à la campagne, tu verras comme je me porterai !… Mon Dieu ! il n’y a plus que huit ans à attendre. Ça passera vite.

Et M. Rousseau ne songe pas qu’ils pourraient se retirer tout de suite, avec de plus petites économies. Adèle ne voudrait pas d’abord. Quand