Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/102

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est tellement hors de discussion, qu’il est inutile d’en parler. C’est le fond même de l’art humain, sans lequel il n’y a pas de production possible. On ne chicane pas au peintre ses couleurs, au romancier son encre et son papier, à l’auteur dramatique sa rampe et ses pendules qui ne marchent pas.

Seulement, prenons une comparaison. Qu’on lise par exemple un roman de mademoiselle de Scudéri et un roman de Balzac. Le papier et l’encre leur sont tolérés à tous deux ; on passe sur cette infirmité de la création humaine. Or, avec les mêmes outils, mademoiselle de Scudéri va créer des marionnettes, tandis que Balzac créera des personnages en chair et en os. D’abord, il y a la question de talent ; mais il y a aussi la question d’époque littéraire. L’observation, l’étude de la nature est devenue aujourd’hui une méthode qui était à peu près inconnue au dix-septième siècle. On voit donc ici la convention tournée, comme masquée par la puissance de la vérité des peintures.

Les conventions ne font que changer ; c’est encore possible. Nous ne pouvons pas créer de toutes pièces des êtres vivants, des mondes tirant tout d’eux-mêmes. La matière que nous employons est morte, et nous ne saurions lui souffler qu’une vie factice. Mais que de degrés dans cette vie factice, depuis la grossière imitation qui ne trompe personne, jusqu’à la reproduction presque parfaite qui fait crier au miracle ! Affaire de génie, dira-t-on : sans doute, mais aussi, je le répète, affaire de siècle. L’idée de la vie dans les arts est toute moderne. Nous sommes emportés malgré nous vers la passion du vrai et du réel. Cela est indéniable, et il serait aisé de prouver