Aller au contenu

Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

constater au théâtre le mouvement qui s’est produit dans le roman, il n’y a qu’une déduction logique. Les aveugles seuls, selon moi, peuvent nier la transformation dramatique à laquelle nous assistons. Cela commence par les décors et les accessoires ; cela finira par les personnages.

Remarquez que les grands décors, avec des trucs et des complications destinés à frapper le public, me laissent singulièrement froid. Il y a des effets impossibles à rendre : une inondation par exemple, une bataille, une maison qui s’écroule. Ou bien, si l’on arrivait à reproduire de pareils tableaux, je serais assez d’avis qu’on coupât le dialogue. Cela est un art tout particulier, qui regarde le peindre décorateur et le machiniste. Sur cette pente, d’ailleurs, on irait vite à l’exhibition, au plaisir grossier des yeux. Pourtant, en mettant les trucs de côté, il serait très intéressant d’encadrer un drame dans de grands décors copiés sur la nature, autant que l’optique de la scène le permettrait. Je me souviendrai toujours du merveilleux Paris, au cinquième acte de Jean de Thommeray, les quais s’enfonçant dans la nuit, avec leurs files de becs de gaz. Il est vrai que ce cinquième acte était très médiocre. Le décor semblait fait pour suppléer au vide du dialogue. L’argument reste fâcheux aujourd’hui, car, si l’acte avait été bon, le décor ne l’aurait pas gâté, au contraire.

Mais je confesse que je suis beaucoup plus louché par des reproductions de milieux moins compliqués et moins difficiles à rendre. Il est très vrai que le cadre ne doit pas effacer les personnages par son importance et sa richesse. Souvent les lieux sont une explication, un complément de l’homme qui s’y