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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/109

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temple, place publique ? En un mot, est-on bien venu de déclarer que le décor n’a aucune importance, qu’il peut être quelconque, que le drame est dans les personnages et non dans les lieux où ils s’agitent ? C’est ici que la question se pose sérieusement.

Une fois encore, je me trouve en face d’un absolu. Les critiques qui défendent les conventions, disent à tous propos : « le théâtre », et ce mot résume pour eux quelque chose de définitif, de complet, d’immuable : le théâtre est comme ceci, le théâtre est comme cela. Ils vous envoient Shakespeare et Molière à la tête. Du moment où les maîtres, il y a deux siècles, faisaient jouer des chefs-d’œuvre sans décors, nous sommes ridicules d’exiger aujourd’hui, pour nos œuvres médiocres, les lieux exacts, avec un embarras extraordinaire d’accessoires. Et de là à parler de la mode, il n’y a pas loin. Pour les critiques en question, il semble que notre goût actuel, notre souci de la vérité des milieux, de l’illusion scénique poussée aux dernières limites, ne soit qu’une pure affaire de mode, un engouement du public qui passera. Ainsi, M. Sarcey s’est demandé pourquoi meubler un salon ; ne peignait on pas tout dans le décor autrefois ? et il n’est pas éloigné de vouloir qu’on revienne à la nudité ancienne, qui avait l’avantage de laisser la scène plus libre. En effet, pourquoi ne retournerait-on pas au décor abstrait, si rien ne nous en empêche, s’il n’y a dans nos complications actuelles qu’un caprice ? M. Sarcey, avec son bon sens pratique, fait valoir tous les avantages : l’économie, les pièces montées plus vite, la littérature épurée et triomphant seule.

Mon Dieu ! cela est fort juste, fort raisonnable.