Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/111

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marche en l’air, dégagé des objets extérieurs. Il n’influe pas sur eux, et il n’est pas déterminé par eux. Toujours il reste à l’état de type, jamais il n’est analysé comme individu. Mais, ce qui est plus caractéristique, c’est que le personnage est alors un simple mécanisme cérébral ; le corps n’intervient pas, l’âme seule fonctionne, avec les idées, les sentiments, les passions. En un mot, le théâtre de l’époque emploie l’homme psychologique, il ignore l’homme physiologique. Dès lors, le milieu n’a plus de rôle à jouer, le décor devient inutile. Peu importe le lieu où l’action se passe, du moment qu’on refuse aux différents lieux toute influence sur les personnages. Ce sera une chambre, un vestibule, une forêt, un carrefour ; même un écriteau suffira. Le drame est uniquement dans l’homme, dans cet homme conventionnel qu’on a dépouillé de son corps, qui n’est plus un produit du sol, qui ne trempe plus dans l’air natal. Nous assistons au seul travail d’une machine intellectuelle, mise à part, fonctionnant dans l’abstraction.

Je ne discuterai point ici s’il est plus noble en littérature de rester dans cette abstraction de l’esprit ou de rendre au corps sa grande place, par amour de la vérité. Il s’agit pour le moment de constater de simples faits. Peu à peu, l’évolution scientifique s’est produite, et nous avons vu le personnage abstrait disparaître pour faire place à l’homme réel, avec son sang et ses muscles. Dès ce moment, le rôle des milieux est devenu de plus en plus important. Le mouvement qui s’est opéré dans les décors part de là, car les décors ne sont en somme que les milieux où naissent, vivent et meurent les personnages.

Mais un exemple est nécessaire, pour bien faire