Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/126

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Je résume ici à grands traits, je néglige les transitions. Mademoiselle Sallé, une danseuse célèbre de l’Opéra, se permit la première de paraître, dans Pygmalion, sans panier, sans jupe, sans corps, échevelée, et sans aucun ornement sur la tête. Elle avait rencontré en France de tels obstacles, de telles mauvaises volontés, qu’elle s’était vue forcée d’aller créer le rôle à Londres. Plus tard, elle eut un grand succès à Paris. Mais j’arrive à mademoiselle Clairon, qui a tant fait pour la réforme du costume et de la diction. Elle étudiait l’antiquité, elle cherchait l’esprit de ses rôles dans les monuments historiques. Pourtant, elle résista longtemps aux conseils de Marmontel, qui la suppliait de quitter la déclamation chantante, comme elle avait quitté les oripeaux du grand siècle. Un jour, elle voulut tenter la partie. Il faut laisser ici la parole à Marmontel, qui a parlé de cette représentation : « L’événement passa son attente et la mienne. Ce ne fut plus l’actrice, ce fut Roxane elle-même que l’on crut voir et entendre. On se demandait : Où sommes-nous ? On n’avait rien entendu de pareil. » Quel beau cri d’étonnement et quelle surprise dans ce triomphe brusque de la vérité !

Mademoiselle Clairon ne devait pas s’en tenir là. Elle joua l’Electre, de Crébillon, huit jours plus tard. Marmontel, qui a défendu la vérité au théâtre avec passion, écrit encore ceci : « Au lieu du panier ridicule et de l’ample robe de deuil qu’on lui avait vus dans ce rôle, elle y parut en simple habit d’esclave, échevelée et les bras chargés de longues chaînes. Elle y fut admirable, et, quelque temps après, elle fut plus sublime encore dans l’Electre, de Voltaire. Ce rôle, que Voltaire lui avait fait déclamer avec une