Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/127

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lamentation continuelle et monotone, parlé plus naturellement, acquit une beauté inconnue à lui-même. » Mademoiselle Clairon poussa si loin ce qu’on appellerait aujourd’hui la passion du naturalisme, qu’un jour, au cinquième acte de Didon, elle crut pouvoir paraître en chemise, absolument en chemise, « afin de marquer, dit M. Jullien, quel désordre portait dans ses sens le songe qui l’avait chassée de son lit. » Il est vrai qu’elle ne recommença pas. Nous autres, gens de peu de morale comme on sait, nous n’en sommes pourtant pas encore à réclamer la chemise.

Je suis obligé de me hâter, je passe à Lekain qui fut également un des grands réformateurs du théâtre. « D’abord fougueux et sans règle, dit M. Jullien, mais plein d’une chaleur communicative, il plut à la jeunesse et déplut aux amateurs de l’ancienne psalmodie qui l’appelaient le taureau, parce qu’ils ne retrouvaient plus chez lui cette diction chantante et martelée, cette déclamation redondante qui les berçait si doucement d’habitude. » Il s’occupa beaucoup aussi du costume, il parut d’abord dans Oreste avec un vêtement dessiné par lui qui étonna, mais qui fut accepté. Plus tard, il s’enhardit jusqu’à jouer Ninias, les manches retroussées, les bras teints de sang, les yeux hagards. On était bien loin de la tragédie pompeuse de Louis XIV. Pourtant, il ne faut pas croire que le costume de cour eût complètement disparu. Malgré ses audaces, Lekain laissa beaucoup à faire à Talma.

Je passe rapidement sur madame Favart, qui la première joua des paysannes avec des sabots à l’Opéra-Comique, sur la Saint-Huberty, une artiste lyrique de