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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/134

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scène. Pas une pièce de MM. Augier, Dumas et Sardou, n’a osé se passer des grandes toilettes, pas une ne descend jusqu’aux petites gens qui portent des étoffes à dix-huit sous le mètre ; de sorte que tout un côté social, la grande majorité des êtres humains se trouve à peu près exclue du théâtre. Jusqu’à présent, on n’est pas allé au delà de la bourgeoisie aisée. Si l’on a mis des misérables au théâtre, des ouvriers et des employés à douze cents francs, c’est dans des mélodrames radicalement faux, peuplés de ducs et de marquis, sans aucune littérature, sans aucune analyse sérieuse. Et soyez certain que la question du costume est pour beaucoup dans cette exclusion.

Nos vêtements modernes, il est vrai, sont un pauvre spectacle. Dès qu’on sort de la tragédie bourgeoise, resserrée entre quatre murs, dès qu’on veut utiliser la largeur des grandes scènes et y développer des foules, on se trouve fort embarrassé, gêné par la monotonie et le deuil uniforme de la figuration. Je crois que, dans ce cas, on devrait utiliser la variété que peut offrir le mélange des classes et des métiers. Ainsi, pour me faire entendre, j’imagine qu’un auteur place un acte dans le carré des Halles centrales, à Paris. Le décor serait superbe, d’une vie grouillante et d’une plantation hardie. Eh bien ! dans ce décor immense, on pourrait parfaitement arriver à un ensemble très pittoresque, en montrant les forts de la Halle coiffés de leurs grands chapeaux, les marchandes avec leurs tabliers blancs et leurs foulards aux tons vifs, les acheteuses vêtues de soie, de laine et d’indienne, depuis les dames accompagnées de leurs bonnes, jusqu’aux mendiantes qui rôdent pour ramasser des épluchures. D’ailleurs, il suffit d’aller