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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/145

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comme partout ; mais, plus que partout, ce besoin y trouve des résistances désespérées. On est habitué aux faussetés, aux conventions de la scène ; le gros public n’est pas choqué ; tous les effets faux le ravissent, et il applaudit en criant à la vérité ; si bien même que ce sont les effets vrais qui le fâchent et qu’il traite d’exagérations ridicules. Le jugement du spectateur est perverti par une habitude séculaire. De là, l’entêtement dans la formule existante de l’art dramatique.

Et Dieu sait où nous en sommes comme vérité au théâtre, malgré le mouvement naturaliste qui s’y accomplit fatalement ! Je ne puis dresser un réquisitoire en règle, mais je citerai quelques exemples. J’ai déjà parlé des entrées et des sorties qui sont le plus souvent opérées en dépit du bon sens, trop lentes ou trop brusques, uniquement comprises de façon à ménager une salve d’applaudissements à l’acteur. Pourrait-on m’indiquer, d’autre part, quelque chose de plus ridicule que les passades du comédien, pendant une scène un peu longue ? Pour couper les effets, au milieu du dialogue, le comédien qui est à gauche traverse et va à droite, tandis que le comédien qui est à droite, se rend à gauche, sans aucun motif d’ailleurs. Cela est d’un bon résultat pour les yeux, dit-on ; c’est possible, mais ce continuel va-et-vient n’en est pas moins très comique et très puéril. Il faudrait parler encore de la façon de s’asseoir, de manger, de lancer dans la salle la réplique destinée au personnage qu’on a à côté de soi, de s’approcher du trou du souffleur pour déclamer la tirade à effet que les autres acteurs sur la scène feignent d’écouter religieusement. En un mot, un acteur ne hasarde pas