Aller au contenu

Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Pierson. Je ne vois guère qu’elle, toujours en dehors de la Comédie-Française, qui puisse aborder aujourd’hui les rôles de Desclée. Mademoiselle Pierson, qui n’a été longtemps qu’une jolie femme, se trouve être actuellement une des rares comédiennes qui sentent la vie moderne. Elle s’est montrée remarquable dans Fromont jeune et Risler aîné, d’Alphonse Daudet. A la vérité, elle manque d’un je ne sais quoi, ce qui la laisse toujours un peu dans l’ombre ; elle n’a pas la foi peut-être, elle n’enlève pas une salle d’un geste ou d’un mot. Rappelez-vous ses créations, aucune ne vient en avant et ne s’impose par une largeur magistrale. Je le répète, elle n’en est pas moins la seule artiste qu’on aimerait voir dans Froufrou.

Je ne puis nommer madame Rousseil, dont je parlais tout à l’heure. Celle-là n’a rien de moderne. Elle est taillée pour la tragédie, elle a les bras forts et le masque énergique des héroïnes de Corneille. Quand elle descend au drame, il lui faut des créations mâles, des vigueurs qui emportent tout. Je ne la vois pas chaussée des fines bottines de la Parisienne, se jouant et agonisant dans des amours à fleur de peau.

Quant à madame Fargueil, qui a eu de si beaux cris de passion, elle est trop marquée aujourd’hui, comme on dit en argot de coulisse, pour accepter des rôles où il y a des scènes d’amour. Il lui faut désormais des rôles faits pour elle, ce qui la rend d’un emploi assez difficile, malgré son beau talent.

Mon intention n’est point de passer ainsi toutes nos comédiennes en revue. Le lecteur peut continuer aisément ce travail. Il verra combien il est malaisé