Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/169

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une maigre légendaire qui restera dans l’histoire ; si, plus tard, ils ne s’étaient pas occupés de son squelette et de ses singes ; si, lorsque la copie leur manquait, ils n’avaient pas bouché le trou avec un bon mot ou une indiscrétion sur elle ; s’ils n’avaient pas empli les journaux de leur étonnement goguenard, chaque fois qu’elle a fait un envoi au Salon, publié un livre ou monté en ballon captif ; enfin, si, lors de ce voyage de la Comédie-Française à Londres, ils ne nous avaient pas raconté en détail jusqu’à ses maux de cœur : M. Albert Wolff croit-il que les choses en seraient venues au point où elles en sont ?

Ce que j’ai voulu établir nettement, c’est ce que j’énonçais au début : ce n’est pas madame Sarah Bernhardt comédienne, ce n’est pas nous artistes, romanciers, poètes, qui sommes pris de cette rage de réclame ; c’est le reportage, c’est la chronique qui, depuis cinquante ans, ont changé les conditions de la réclame, décuplé les appétits curieux du public, soulevé autour des personnalités en vue cet orchestre formidable de l’information à outrance. Ici, j’élargis mon sujet ; à la vérité, je n’ai pris le cas de madame Sarah Bernhardt que pour préciser des faits dont j’ai été frappé. Mon expérience personnelle m’a appris que, lorsqu’un chroniqueur accuse un écrivain de chercher le bruit, il arrive que l’écrivain est un bon bourgeois faisant tranquillement sa besogne, tandis que c’est le chroniqueur qui joue devant lui de la trompette.

Remarquez que les écrivains, comme les comédiens, finissent souvent par se laisser aller agréablement sur cette pente de la réclame. On s’habitue au tapage ; on a sa ration de publicité tous les matins, et l’on s’attriste,