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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/172

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e à Paris : une femme prend pour amant un monsieur fort correct, un galant homme, dont elle a un enfant, et qui la quitte, ennuyé de sa paternité, après avoir eu l’idée plus ou moins nette d’un avortement. On coudoie cela sur les trottoirs, et personne ne songe même à tourner la tête. Mais attendez, voici l’expérience qui se pose : Marie Bière, de tempérament particulier, produit d’une hérédité dont il a été question dans les débats, tire un coup de pistolet sur son amant ; et, dès lors, ce coup de pistolet est comme la goutte d’acide sulfurique que le chimiste verse dans une cornue, car aussitôt l’histoire se décompose, le précipité a lieu, les éléments primitifs apparaissent. N’est-ce pas merveilleux ? Paris s’étonne qu’un galant homme fasse des enfants et ne les aime pas ; Paris s’étonne que l’avortement soit à la porte de tous les concubinages. Ces choses ont lieu tous les jours, seulement il ne les voit pas, il ne s’y arrête pas ; il faut que l’expérience les montre violemment, que le coup de pistolet parte, que la goutte d’acide tombe, pour qu’il reste stupéfait lui-même de sa pourriture en gants blancs. De là, cette grosse émotion, en face d’une aventure tellement commune, qu’elle en est bête.

Nous avons eu aussi un joli exemple de fêlure avec le fameux Nordenskiold.

Pendant huit jours, tout a été pour Nordenskiold, une réception princière, des arcs de triomphe, des galas, des hommages enthousiastes dans la presse. Il semblait que le voyageur eût découvert une seconde fois l’Amérique. Puis, brusquement, le vent a tourné, Nordenskiold n’avait rien découvert du tout ; un simple charlatan qui avait fait une promenade à Asnières, un pitre