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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/171

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prêter le fracas de son allure aux gens qu’elle emporte dans sa course, quitte à leur casser les reins, s’ils viennent à tomber.


VI

Je dirai ce que je pense de l’aventure qui affole Paris en ce moment. Il s’agit de la démission de madame Sarah Bernhardt, et de la fêlure stupéfiante qu’elle a déterminé dans le crâne des gens.

Déjà, à propos du procès de Marie Bière, j’avais été étonné des sautes de l’opinion publique. On se souvient des termes crus dans lesquels le Paris sceptique jugeait l’héroïne du drame, avant l’ouverture des débats. L’affaire vient en cour d’assises, et tout Paris se passionne pour la jeune femme ; on la défend, on la plaint, on l’adore ; si bien que, si le tribunal l’avait condamnée, on lui aurait certainement jeté des pommes cuites. Elle est acquittée, et tout de suite, du soir au lendemain, on retombe sur elle, on la rejette au ruisseau, avec une rudesse incroyable ; ce n’est plus qu’une gredine, on lui conseille de disparaître. Sans doute, une analyse exacte nous donnerait les causes de ces mouvements contraires et si précipités. Mais, pour les braves gens qui regardent en simples curieux le spectacle de la vie, quel joli peuple de pantins nous faisons !

Je me suis tenu à quatre pour ne pas parler en son temps de cette affaire. Elle était un exemple si décisif de roman expérimental ! Voilà une histoire bien banale, une histoire comme il y en a cent mill