Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/21

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D’après cette façon de voir, il est certain que, si l’on part de la tragédie, le drame romantique est un premier pas vers le drame naturaliste auquel nous marchons. Le drame romantique a déblayé le terrain, proclamé la liberté de l’art. Son amour de l’action, son mélange du rire et des larmes, sa recherche du costume et du décor exacts, indiquent le mouvement en avant vers la vie réelle. Dans toute révolution contre un régime séculaire, n’est-ce pas ainsi que les choses se passent ? On commence par casser les vitres, on chante et on crie, on démolit à coups de marteau les armoiries du dernier règne. Il y a une première exubérance, une griserie des horizons nouveaux vaguement entrevus, des excès de toutes sortes qui dépassent le but et qui tombent dans l’arbitraire du système abhorré dont on vient de combattre les abus. Au milieu de la bataille, les vérités du lendemain disparaissent. Et il faut que tout soit calmé, que la fièvre ait disparu, pour qu’on regrette les vitres cassées et pour qu’on s’aperçoive de la besogne mauvaise, des lois trop hâtivement bâclées, qui valent à peine les lois contre lesquelles on s’est révolté. Eh bien, toute l’histoire du drame romantique est là. Il a pu être la formule nécessaire d’un moment, il a pu avoir l’intuition de la vérité, il a pu être le cadre à jamais illustre dont un grand poète s’est servi pour réaliser des chefs-d’œuvre ; à l’heure actuelle, il n’en est pas moins une formule ridicule et démodée, dont la rhétorique nous choque. Nous nous demandons pourquoi enfoncer ainsi les fenêtres, traîner des rapières, rugir continuellement, être d’une gamme trop haut dans les sentiments et les mots ; et cela nous glace, cela nous ennuie et nous fâche. Notre