Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/219

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Parler de la France, sous Philippe-Auguste ! prononcer le grand mot de patrie qui n’avait alors aucun sens ! nous montrer un bon jeune homme qui s’indigne au nom de l’Allemagne, comme après Sedan ! Quand donc les auteurs dramatiques comprendront-ils le profond ridicule de ce patriotisme à faux, de cette sottise historique dans laquelle ils s’entêtent ? Et cela n’est guère honnête, je l’ai déjà dit, car je ne puis voir là qu’une façon commode de voler les applaudissements du public.

Mais ces choses ne sont rien encore, le pis est que M. Paul Delair fait des vers déplorables. Il est certainement un poète plus médiocre que M. Lomon et M. Deroulède, ce qui m’a stupéfié. On, ne saurait s’imaginer les incorrections grammaticales, les tournures baroques, les cacophonies abominables qui emplissent le drame. Les termes impropres y tombent comme une grêle, au milieu de rencontres de mots, d’expressions qui tournent au burlesque. A notre époque où la science du vers est poussée si loin, où le premier parnassien venu fabrique des vers superbes de facture et retentissants de belles rimes, on reste consterné d’entendre rouler pendant quatre heures un pareil flot de vers rocailleux et mal rimés. Si M. Paul Delair croit être un poète parce qu’il a abusé là dedans des lions et des étoiles, du soleil et des fleurs, il se trompe étrangement. Au théâtre, on ne remplace pas l’humanité absente par des images. Les tirades glacent l’action, et je signale comme exemple la scène de Garin et d’Aïscha devant la chambre nuptiale, la grande scène, celle qui devait tout emporter, et qui a paru mortellement froide et ennuyeuse. Comment voulez-vous qu’on s’intéresse à