Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/241

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s, avant de le planter à Stockholm. Il a eu ses raisons sans doute ; mais je lui prédis qu’il ne s’en repentira pas moins d’avoir poussé le dédain de nos préoccupations quotidiennes jusqu’à nous mener dans une contrée dont la grande majorité des spectateurs ne sauraient indiquer la position exacte sur la carte de l’Europe. Nous rions et nous pleurons où est notre cœur.

Je connais le raisonnement qui fait de nous les frères de tous les peuples opprimés. Cela est vague. On peut applaudir une tirade contre la tyrannie, sans s’intéresser autrement au personnage qui la lance. Je vous demande un peu qui s’inquiète de Christian II, un roi conquérant, une sorte de fou imbécile et féroce, tombé sous la domination d’une favorite, et qui ensanglantait la Suède par des exécutions continuelles, afin d’affermir par la terreur son trône chancelant ? Lorsque, au dénoûment, Gustave Wasa, le libérateur, le roi aimé et attendu, délivre Stockholm, on prend son chapeau et on s’en va, bien tranquille, sans la moindre émotion. Est-ce que ces gens-là nous touchent ? Si le génie leur soufflait sa flamme, ils pourraient ressusciter du passé et nous communiquer leurs passions. Seulement, le génie, dans les mélodrames, n’est d’ordinaire pas là pour accomplir ce miracle. Quand un auteur a simplement de l’intelligence et de l’habileté, il découpe les personnages historiques, comme les enfants découpent des images.

Je trouve donc le cadre fâcheux, et je maintiens qu’il nuira au drame. La principale situation dramatique sur laquelle l’œuvre repose avait une certaine grandeur. Il s’agit d’une mère, Marthe Tolben,