Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/248

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marchent l’un vers l’autre. Elle est dès lors, comme je l’ai dit plus haut, la résultante même des personnages. Selon les caractères et les passions, elle se posera et se dénouera. C’est l’analyse qui l’amène et c’est la logique qui la termine. Au fond, le drame n’est donc qu’une étude de l’homme. Remarquez que j’appelle situation tout fait produit par les personnages. Il y a, en outre, le milieu et les circonstances extérieures, qui au contraire agissent sur les personnages. Rien de plus poignant que cette bataille de la vie, les hommes soumis aux faits et produisant les faits : c’est là le vrai théâtre, le théâtre de tous les grands génies. Quant à cette mécanique théâtrale dont on nous rebat les oreilles, à ces situations qui réduisent les personnages à de simples pièces d’un jeu de patience, elles sont indignes d’une littérature honnête. C’est de la fabrication, c’est de l’arrangement plus ou moins habile, mais ce n’est pas de l’humanité ; et il n’y a rien en dehors de l’humanité.

Un exemple m’a beaucoup frappé. Dans les Noces d’Attila, on voit qu’au dernier acte Ellack, un fils du conquérant, apprend de la bouche même d’Hildiga, que celle-ci veut tuer son père. Justement, à la scène suivante, il se trouve en face d’Attila. Les critiques en question se sont allumés : voilà, selon eux, une situation superbe. Comment Ellack va-t-il en sortir ? De la façon la plus simple du monde. Au moment où il est sur le point de tout dire à Attila, celui-ci s’avise de l’avertir que le lendemain matin il fera tuer sa mère, une de ses épouses qu’il retient en prison pour une faute ancienne. Et, dès lors, Ellack, forcé de choisir entre son père et sa mère, se décide pour celle-ci. Il se retire. C’est du théâtre, paraît-il. Les critiques les plus