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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/253

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leur prêter les paroles que les spectateurs pensaient eux-mêmes en les voyant : « Nous sommes les bergères, vives et légères, etc. » Toute la théorie de la convention au théâtre est dans cet exemple.

Ce qui me surprend toujours, dans ces règles données pour un art quelconque, c’est leur parfait enfantillage et leur inutilité absolue. Rien n’est plus vide que ce mot de convention, dont on nous bat les oreilles. La convention de qui ? la convention de quoi ? Je connais bien la vérité ; mais la convention m’échappe, car il n’y a rien de plus fuyant, de plus ondoyant qu’elle. Elle se transforme tous les ans, à chaque heure. Elle est faite de ce qu’il y a de moins noble en nous, de notre bêtise, de notre ignorance, de nos peurs, de nos mensonges. Le seul rôle d’une intelligence qui se respecte est de la combattre par tous les moyens, car chaque pas gagné sur elle est une conquête pour l’esprit humain. Et ils sont là une bande, des hommes honorables, très consciencieux, animés des meilleures intentions, dont l’unique besogne est de nous jeter la convention dans les jambes ! Quand ils croient avoir triomphé, quand ils nous ont prouvé que nous sommes uniquement faits pour le mensonge, que nous pataugerons toujours dans l’erreur, ils exultent, ils prennent des airs de magisters tout orgueilleux de leur besogne. Il n’y a vraiment pas de quoi.

Mais ils se trompent. La marche vers la vérité est évidente, aveuglante. Pour nous en tenir au théâtre, prenez une histoire de notre littérature dramatique nationale, et voyez la lente évolution des mystères à la tragédie, de la tragédie au drame romantique, du drame romantique aux comédies psychologiques