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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/275

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tache, il est grand, héroïque, sublime. Quand il a épousé la comtesse pour la sauver, et qu’elle l’écrase de son mépris, c’est à peine s’il laisse percer une révolte. Il fait échapper une première fois son rival Raoul, qu’il tient entre ses mains. A l’acte suivant, la situation recommence : Raoul tombe de nouveau à sa merci, et, cette fois, non seulement Jean le fait évader, mais encore il lui donne rendez-vous le lendemain sur le champ de bataille, et, en donnant ce rendez-vous, il trahit les siens, car l’attaque devait rester secrète. Jean passe devant un conseil de guerre, et on le fusille, pendant que Marie se lamente.

Vraiment, il est bon d’être un héros, mais il y a des limites. En temps de guerre, ouvrir continuellement la porte aux prisonniers, cela ne s’appelle plus de la grandeur d’âme, mais de la bêtise. Pour que nous nous intéressions aux pantins sublimes, il faut leur laisser un peu d’humanité sous la pourpre et l’or dont on les drape. On finit par sourire de ces héros magnanimes qui ne s’emparent de leurs ennemis que pour les relâcher. Il y a là une fausse grandeur dont on commence, au théâtre, à sentir le côté grotesque.

Le pis est qu’on s’intéresse médiocrement, à Jean Dacier. Cette façon de sauver une femme en l’épousant, le met dans une position singulièrement fausse. Il se conduit en enfant. La seule chose qu’il aurait à faire, après avoir arraché Marie à la guillotine, ce serait de la saluer et de lui dire : « Madame, vous êtes libre. Vous me devez la vie, je vous confie mon honneur. » Mais alors toutes les querelles dramatiques du second acte et du troisième n’existeraient pas. La situation est si bien sans issue que Jean