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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/281

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des cadavres. Il n’y a, derrière vous, que des abîmes. C’est vous qui avez conduit et qui conduisez encore les sociétés à toutes les catastrophes, avec vos grands mots vides, avec vos extases, vos détraquements cérébraux. Et ce sera nous qui les sauverons, parce que nous sommes la vérité.

N’est-ce pas la chose la plus attristante qu’on puisse voir ? Voilà un jeune homme, voilà M. Lomon, Il débute, il a peut-être une force en lui. Eh bien, il commence par s’enfermer dans une formule morte ; il fait du romantisme, à l’heure où le romantisme agonise. Ce n’est pas tout, il croit qu’il sauve la France, parce qu’il vient corner les mots de patrie et d’honneur dans une salle de théâtre, parce qu’il invente une intrigue puérile et qu’il écrit de mauvais vers. Et le pis, c’est qu’il se montrera dédaigneux pour nous, c’est que ses amis mentiront au point de nous traiter en criminels et d’insinuer que sa pauvre pièce est une revanche du génie français !

J’ai d’autres désirs pour notre jeunesse. Je la voudrais virile et savante. D’abord, elle devrait se débarrasser des folies du lyrisme, pour voir clair dans notre époque. Ensuite, elle accepterait les réalités, elle les étudierait, au lieu d’affecter un dégoût enfantin. A cette condition seule, nous vaincrons. Le vrai patriotisme est là, et non dans des déclamations sur la patrie et la liberté. Jamais je n’ai vu un spectacle plus comique ni plus triste : tout un gouvernement républicain convoqué à l’Odéon, des ministres, des sénateurs, des députés, pour y entendre un coup de canon. Eh ! bonnes gens, ce n’est pas la formule romantique, c’est la formule scientifique qui a établi et consolidé la République en France !