Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/283

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il est impossible de juger le véritable mérite d’un auteur.

Je me sens donc, dès l’abord, très gêné devant la nouvelle œuvre de M. de Bornier, car il semble avoir compté sur nos bons sentiments pour que nous la considérions comme une œuvre noble et vengeresse. Moi qui la trouve beaucoup trop noble et insuffisamment vengeresse, je demande avant tout de négliger le patriotisme, dans une question où il n’a que faire, et de juger le drame au strict point de vue dramatique.

Voici le sujet, brièvement. Attila, après sa campagne dans les Gaules, campe au bord du Danube, où il attend la fille de l’empereur Valentinien, qu’il a fait demander en mariage. Il traîne derrière lui tout un troupeau de prisonniers, dans lequel se trouvent le roi des Burgondes, Herric, et sa fille Hildiga, sans compter une Parisienne, une femme du peuple, Gerontia. En outre, un général franc, Walter, qui aime Hildiga, commet l’imprudence de se présenter pour traiter de sa rançon et de celle de son père. Attila prend l’argent et le retient prisonnier. Puis, le drame se noue, dès que Maximin, ambassadeur de Rome, vient annoncer à Attila que l’empereur lui refuse sa fille. Attila, exaspéré, veut épouser Hildiga, je n’ai pas trop compris pourquoi ; il l’aime sans doute, mais l’outrage de Valentinien n’avait rien à voir là dedans. D’ailleurs, non content de désespérer Hildiga par sa proposition, il pousse le raffinement jusqu’à vouloir être aimé devant tous ; et il menace la jeune fille de massacrer son père, son amant, ses compatriotes, si elle ne feint pas pour sa personne la passion la plus aveugle. Hildiga doit accepter. Herric, Gérontia,