Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/300

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et qu’elle courbe la tête sous l’éternelle honte de cette liaison. Il faut connaître bien peu le milieu où s’agitent les personnages, pour prêter un tel sentiment à Gervaise. Dans la réalité, elle serait depuis longtemps la femme légitime de Goupeau. Seulement, comme je l’ai expliqué, si elle était sa femme, les auteurs retomberaient dans la situation embarrassante du roman, et ils ont dû choisir entre la convention théâtrale et la vérité.

Je ne parle pas du dénoûment, je sais très bien que c’est là un dénoûment imposé par le Gymnase. On se marie trop à la fin, et toute cette action terrible tombe en plein dans la confiture. Voyez-vous Nana ramenée saine et sauve, comme s’il suffisait d’un tour d’escamotage pour transformer en bonne petite fille une coureuse de trottoirs, qui appartient de naissance au pavé parisien ! Je voudrais que l’on sentît bien la à quel point de mensonge on a rabaissé le théâtre. Car soyez convaincus que MM. Lafontaine et Richard sont trop intelligents pour ne pas savoir eux-mêmes qu’ils mentent. La vérité est qu’ils ont eu peur, et avec raison ; ils se sont dit qu’ils devaient se conformer au désir du public, qui aime les dénoûments aimables.

J’arrive ainsi au singulier jugement porté par plusieurs de mes confrères qui ont vu, dans Pierre Gendron, un manifeste naturaliste au théâtre. Gomme toujours, c’est la forme, l’expression extérieure de la pièce qui les a trompés. Il a suffi que les personnages employassent quelques mots d’argot populaire, pour qu’on criât au réalisme. On ne voit que la phrase, le fond échappe.

Certes, on ne saurait trop louer MM. Lafontaine et