Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/307

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devait être complète. Un drame n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel bleu ; il faut circonstancier et amener les orages de la passion et des intérêts.

Une autre faute grave est d’avoir raidi les personnages dans une attitude. Châteaufort, à mon sens, manque surtout de souplesse. Le marquis est une ganache et la marquise une louve de mélodrame. Quant à Nadine, elle serait le seul personnage sympathique, si elle n’était pas toujours en colère. La vie a plus de bonhomie, et, même dans les crises dramatiques, il faut conserver aux personnages des échappées de repos et de détente. Une action toute nue, une abstraction pure, ne réussit au théâtre qu’à la condition d’être maniée par des mains très savantes, qui la conduisent avec une raideur de démonstration géométrique.

D’ailleurs, madame de Mirabeau est loin de manquer de talent. J’ose même confesser que son œuvre m’a beaucoup plus intéressé que certaines pièces, jouées dans ces derniers temps, et qui ont réussi. Cela est si peu ordinaire, une belle inexpérience, parlant carrément, appelant les choses par leurs noms, allant droit devant elle sans crier gare. Il y a bien des hommes, parmi nos auteurs dramatiques, auxquels je souhaiterais l’énergie de madame de Mirabeau. Et il ne faut pas ricaner, employer le gros mot de brutalité, l’énergie reste une chose rare et belle, qu’on n’acquiert pas, et qui fait les grandes œuvres. On ne devient pas fort, tandis que l’on peut émonder sa force et trouver un équilibre.

Dans tout cela, il y a une morale à tirer. La chute Châteaufort va être un argument de plus entre les mains de ceux qui refusent la vérité au théâtre, sous