Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/308

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prétexte que la vérité est affligeante et que le public demande avant tout des tableaux consolants. Je les entends d’ici foudroyer les héros corrompus, déclarer que le théâtre n’est pas une dalle de dissection, réclamer des idylles qui ne contrarient pas leur digestion. Avez-vous remarqué une chose ? il est rare qu’un honnête homme se scandalise en face d’un coquin ; ce sont les coquins eux-mêmes qui crient le plus fort, comme s’ils voyaient une allusion personnelle dans le personnage qu’on leur montre.

Donc, c’est le naturalisme au théâtre qui payera une fois de plus les pots cassés. Il va être formellement conclu que toutes les plaies ne sont pas bonnes à montrer, surtout lorsqu’il s’agit des plaies du beau monde. Et l’on aura raison, dans un certain sens. Je crois qu’on peut tout dire et tout peindre, mais je commence à être persuadé aussi qu’il y a façon de tout peindre et de tout dire. Là est la solution du problème.

Ah ! comme nous serions forts, si un naturaliste, sans rien perdre de sa méthode d’analyse ni de sa vigueur de peinture, naissait avec le sens du théâtre, cette adresse du métier qui escamote les difficultés au nez du public. Il n’est pas vrai, à coup sûr, que tout le théâtre soit dans le métier, comme on le répète. Le métier suffit le plus souvent, mais le métier pourrait aussi aider simplement à rendre possible sur les planches les drames et les comédies de la vie réelle. Apporter la vérité et savoir l’imposer, tel doit être le but.

Aussi ne me lasserai-je pas de répéter aux jeunes auteurs dramatiques qui grandissent : « Voyez les chutes de toutes les pièces naturalistes tentées depuis