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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/319

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au compte de l’actrice ? Je ne le crois pas aujourd’hui, je pense plutôt que les auteurs ont voulu indiquer ce qu’ils ne pouvaient dire. Leur pièce me fait l’effet d’un paravent charmant, un peu rococo, bon à mettre dans un salon, et derrière lequel se passe une effroyable aventure. Certes, ce n’est pas avec de tels éléments qu’on peut expérimenter si la vérité toute crue est possible ou impossible au théâtre. La vérité du Nid des autres ne se dit qu’à l’oreille.

Même admettons que l’histoire soit propre, il faudra toujours faire de Mathilde une femme sotte ou une femme méchante, si l’on veut expliquer sa fuite avec Désirée. Dans la réalité, on n’a jamais vu les jeunes épouses quitter leurs maris pour suivre des dames de leur connaissance. Si cela arrive, c’est qu’il y a des raisons, et il faut mettre ces raisons en lumière ; autrement, les figures ne se tiennent plus debout. C’est une surprise, lorsque Mathilde s’en va avec Désirée, parce que l’analyse du personnage ne nous a pas préparés à cette action. L’écrivain qui étudie la vie, l’explique par là même, jusque dans ses inconséquences. Quand je demande qu’on porte la réalité au théâtre, j’entends qu’on y fasse fonctionner la vie, avec tous ses rouages, dans la merveilleuse logique de son labeur.

C’est donc une singulière idée que de parler de vérité exacte à propos du Nid des autres. Aucune pièce, au contraire, n’a dû être plus faussée. Et je n’ai pas encore cité ce Montbrisson, qui est las de traîner partout, cet éternel Desgenais qui apporte dans sa poche un dénoûment enfantin. Est-il assez factice, celui-là ! Puis, comme cette Désirée se laisse aisément écraser ! Dans la réalité, les Désirée triomphent toujours. C’est que là encore les auteurs ont voulu plaire.