Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/320

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Décidés à rire de l’aventure, ils ont évité le drame par un tour d’escamotage. Mais, bon Dieu ! sommes-nous assez loin de l’histoire dont tout Paris s’est occupé !

Et sait-on pourquoi les auteurs ont préféré une comédie aimable ? C’est à coup sûr pour conquérir le public, qui exige des personnages sympathiques. On ne se doute pas de la quantité des pièces médiocres que la nécessité des personnages sympathiques fait écrire. Par exemple, on a un beau drame ; seulement, on s’aperçoit que les héros ne sauraient plaire aux âmes sensibles ; ce sont de grands passionnés ou de grands révoltés, qui marchent trop brutalement dans la vie ; alors, on les chausse de pantoufles pour qu’ils fassent moins de bruit, on les taille, on les rogne, jusqu’à ce qu’ils soient dignes d’un prix de vertu. Et ce n’est pas tout, il faut établir une compensation, mettre deux honnêtes gens pour un gredin ; c’est à peu près la proportion ordinaire. Mathilde est nulle et effacée, parce que, si elle était perverse, son mari ne pourrait la reprendre, et il faut pourtant qu’il la reprenne au dénoûment. D’autre part, les auteurs ont ajouté Montbrisson, pour compenser Désirée. Nous touchons là à la plaie de médiocrité du théâtre.

Je prends le Nid des autres, non comme un exemple de ce que devient la réalité au théâtre, mais comme un exemple de ce que l’on fait de la réalité au théâtre. Et cet exemple est caractéristique, lorsqu’on l’étudie.


V

Les pièces à thèse sont de fâcheuses pièces. Elles argumentent au lieu de vivre. Comme toute questi