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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/334

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eux, que M. Delpit ait réussi, parce qu’il a coulé son œuvre dans un moule connu. Eh bien ! je crois être certain, pour ma part, que M. Delpit doit son succès à la quantité de vérité qu’il a osé mettre sur les planches ; cette quantité n’est pas grande, il est vrai, et le public, en applaudissant, a pu très bien ne pas se rendre un compte exact de ce qu’il applaudissait. Mais le fait ne m’en paraît pas moins facile à démontrer.

Voyez la scène du notaire. Rien de plus simple, de plus logique ni de plus fort. Voilà un homme dans l’exercice de sa profession ; il pose les questions qu’il doit poser, et ce sont justement ces questions, si naturelles, qui déterminent la catastrophe. Ici, nous ne sommes plus au théâtre ; il ne s’agit plus de ce qu’on nomme « une ficelle », un expédient visible, consacré, usé, passé à l’état de loi. Nous sommes dans la vie ordinaire, dans ce qui doit être. Aussi l’effet a-t-il été immense. Toute la salle était secouée. La preuve est-elle assez concluante, et me donne-telle assez raison ? Voilà ce qu’on obtient avec la vérité banale de tous les jours.

Et ce n’est pas tout. Voyez Coralie pendant cette scène et les suivantes. Tout un coin de la vraie fille est risqué ici fort habilement et dans une juste mesure des nécessités scéniques. D’abord, voici la fille avec son roman naïf, son histoire d’une sœur à elle qui aurait laissé neuf cent mille francs à Daniel ; elle ne s’est pas inquiétée des lois qu’elle ignore, elle s’est contentée d’un de ces mensonges qu’elle a faits cent fois à ses amants et dont ceux-ci se sont toujours montrés satisfaits. Aussi se trouble-t-elle tout de suite, lorsque le notaire la met en face des réalités. C’est un château de cartes qui s’écroule, et elle en reste suffoquée,