Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/356

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l’entendre faire par tous les auteurs ; d’autant plus qu’il est logique et exact. Questionnez les plus habiles, ils vous diront que le goût du public tourne au naturalisme, d’une façon continue et de plus en plus accentuée. C’est le mouvement de l’époque. Il s’accomplit de lui-même, par la force même des choses. Avant dix ans, l’évolution sera complète. Et vous verrez les dramaturges et les vaudevillistes, réputés pour leur habileté, se ruer alors vers la peinture des scènes réelles, car ils n’ont au fond qu’une doctrine : satisfaire le public en toutes sortes, lui donner ce qu’il demande, de manière à battre monnaie le plus largement possible.


IV

Une circonstance m’a empêché d’assister à la première représentation de Niniche, le vaudeville en trois actes que MM. Hennequin et Millaud ont fait jouer aux Variétés. Je n’ai pu voir que la quatrième, et j’ai été vraiment surpris de la gaieté débordante du public. Quel excellent public que ce public parisien ! Comme il est bon enfant, comme il rit volontiers ! La moindre plaisanterie, eût-elle trente années d’âge, le chatouille ainsi qu’au premier jour, lorsqu’elle est dite par la comédienne ou le comédien favori. On prétend que les artistes tremblent, lorsqu’ils paraissent à Paris pour la première fois. Ils ont bien tort. J’ai connu, en province, un théâtre où le public était autrement exigeant et maussade. On y sifflait avec une brutalité révoltante. J’estime qu’il faut trois fois plus d’efforts pour dérider un spectateur de provi