Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/360

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qui nous disait : « Je classe encore assez vite les dix premières copies dans une composition ; ce qui m’exténue, c’est de vouloir être juste et d’assigner des places aux trente dernières. » Eh bien ! ma situation est pareille à celle de ce professeur, je ne sais le plus souvent comment classer certaines pièces, de façon à satisfaire absolument ma conscience.

Vouloir être juste, c’est tout le rôle du critique. La passion de la justice est la seule excuse que l’on puisse donner à cette singulière démangeaison qui nous prend de juger les œuvres de nos confrères. Mon professeur avouait parfois que, désespérant d’établir une différence appréciable du mauvais au pire dans les toutes dernières copies, il les plaçait au petit bonheur, en tas. Voilà ce qu’il faudrait éviter. Où diable placer Niniche ? car Niniche m’a fait rire, et elle a droit à une place. Est-ce que Niniche vaut mieux que telle ou telle pièce, dont les titres m’échappent ? Grave question. Je creuserais cette étude pendant des journées sans pouvoir peut-être trouver des arguments décisifs. Pourtant, je veux être équitable. Les critiques qui font profession de toujours partager l’avis du public et qui trouvent bon ce qui l’amuse, croient en être quittes avec Niniche, en la traitant de vaudeville amusant. C’est là un jugement trop commode. Niniche est un symbole, la pièce idiote qui a un succès comme jamais un chef-d’œuvre n’en aura, et qui gratte la foule à la bonne côte, la côte joyeuse, selon le joli mot de nos pères. Les belles filles tombent en pâmoison, lorsqu’on avance les mains vers leur taille. Pourquoi le public se pâme-t-il, quand on lui joue Niniche ? J’exige un commentaire.

L’intrigue est la première venue. Un diplomate