Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/361

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polonais, le comte Corniski a épousé la belle Niniche, une « hétaïre » parisienne, sans avoir le moindre soupçon de sa vie passée. Il la ramène en France, où il est chargé d’une mission. Mais la comtesse est reconnue à Trouville par le jeune Anatole de Beau-persil. Elle apprend, grâce à lui, qu’on va vendre ses meubles, et elle se désole, à la crainte d’un scandale, car elle a laissé dans une armoire des lettres compromettantes, que lui a adressées autrefois le prince Ladislas, le propre fils du roi de Pologne. Justement la mission du comte Corniski est de s’emparer de ces lettres. Dès lors, commence une chasse, les lettres circulent, passent dans les mains du mari, qui finit par les rendre sans les avoir lues. J’ai négligé un baigneur de Trouville, le beau Grégoire, qui baigne ces dames par goût, et qui redevient le plus correct des gandins, lorsqu’il a quitté son costume. Il y a aussi une veuve Sillery, une vieille dame passionnée, sans compter deux pantalons, dont les rôles sont très développés, et qui produisent un effet énorme : le premier, un pantalon bleu, poursuivi par un mari jaloux, passe de jambes en jambes ; le second, un pantalon nankin, se déchire jusqu’à la ceinture, ce qui cause chez les dames une hilarité folle. Peut-être bien que le succès de la pièce est là.

Décidément, je renonce à classer Niniche. Hélas ! je le crains, la justice n’est pas de ce monde. J’ai la vague sensation que Niniche a sa place entre les Dominos Ruses et Madame l’Archiduc ; mais est-ce entre les deux, est-ce avant, est-ce après ? c’est ce que je n’ose affirmer. Il faudrait peser les œuvres, consulter les nuances, se livrer à une étude de comparaison qui demanderait des délicatesses infinies. Et voilà