Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/381

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rude pour M. Offenbach. Les Bouffes fermant pendant une Exposition universelle, les Bouffes qui ont été le berceau de M. Offenbach ! n’est-ce pas l’aveu brutal que son répertoire, si considérable, n’attire plus le public et ne fait plus d’argent ?

La chute est si douloureuse que certains journaux ont eu pitié. Dans ces deux derniers mois, j’ai lu à plusieurs reprises des notes désolées. On s’étonnait avec indignation que M. Offenbach fût ainsi jeté de côté comme une chemise sale. On rappelait les services qu’il a rendus à la joie publique, on conjurait les directeurs de reprendre au moins une de ses pièces, à titre de consolation. Les directeurs faisaient la sourde oreille. Enfin, il s’en est trouvé un, M. Weinschenck, qui a bien voulu se dévouer. Il vient de remonter à la Gaîté Orphée aux Enfers. J’ignore si l’affaire est bonne ; mais M. Weinschenck aura tout au moins fait une bonne action. Le principe des turlututus est sauvé, il ne sera pas dit qu’il y aura eu une Exposition universelle sans la musique de M. Offenbach.

Certes, je n’aime point à frapper les gens à terre. J’avoue même que je suis pris d’attendrissement et d’intérêt pour M. Offenbach, maintenant que la vogue l’abandonne. Autrefois, il m’irritait ; les succès menteurs m’ont toujours mis hors de moi. Voilà donc la justice qui arrive pour lui, et c’est une terrible chose pour un artiste que cette justice, lorsqu’il est encore vivant et qu’il assiste à sa déchéance. Le public est un enfant gâté qui brise ses jouets, quand ils ont cessé de l’amuser. On est devenu vieux, on a fait le rêve d’une longue gloire, aveuglé sur sa propre valeur par les fumées de l’encens le plus grossier, et