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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/40

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et la critique le traitait en véritable malfaiteur.

Avant d’expliquer cette stupéfiante situation faite aux auteurs dramatiques, je veux poser deux points avec netteté. La théorie du don du théâtre entraînerait deux conséquences : d’abord, il y aurait un absolu dans l’art dramatique ; ensuite, quiconque serait doué deviendrait à peu près infaillible.

Le théâtre ! voilà l’argument de la critique. Le théâtre est ceci, le théâtre est cela. Eh ! bon Dieu ! je ne cesserai de le répéter, je vois bien des théâtres, je ne vois pas le théâtre. Il n’y a pas d’absolu, jamais ! dans aucun art ! S’il y a un théâtre, c’est qu’une mode l’a créé hier et qu’une mode l’emportera demain. On met en avant la théorie que le théâtre est une synthèse, que le parfait auteur dramatique doit dire en un mot ce que le romancier dit en une page. Soit ! notre formule dramatique actuelle donne raison à celle théorie. Mais que fera-t-on alors de la formule dramatique du dix-septième siècle, de la tragédie, ce développement purement oratoire ? Est-ce que les discours interminables que l’on trouve dans Racine et dans Corneille sont de la synthèse ? Est-ce que surtout le fameux récit de Théramène est de la synthèse ? On prétend qu’il ne faut pas de description au théâtre ; en voilà pourtant une, et d’une belle longueur, et dans un de nos chefs-d’œuvre.

Où est donc le théâtre ? Je demande à le voir, à savoir comment il est fait et quelle figure il a. Vous imaginez-vous nos tragiques et nos comiques d’il y a deux siècles en face de nos drames et de nos comédies d’aujourd’hui ? Ils n’y comprendraient absolument rien. Cette fièvre cabriolante, cette synthèse