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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/406

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là une opinion particulière que je défends à mes risques et périls. Le théâtre réclame une évolution littéraire, voilà une vérité indiscutable. Maintenant, que cette évolution se produise dans n’importe quel sens, si elle se produit puissamment, elle me passionnera.

La Reine Margot, que le théâtre de la Porte Saint-Martin vient de reprendre, ne me fera pas regretter, je l’avoue, le genre dit historique. Le sens de ces grandes machines me manque décidément. Certes, je suis très sensible à l’ampleur du cadre, je trouve excellente cette coupure du drame en douze ou treize tableaux ; cela permet de multiplier les décors, de promener l’action partout, de donner de la vie et de la mobilité à l’œuvre. Mais quel étrange emploi d’un cadre aussi vaste ! Il semble que les auteurs n’aient profité de l’élargissement du cadre que pour y élargir des mensonges. Un grand opéra serre à coup sûr la vérité de plus près.

Que voulez-vous ? l’illusion ne se produit pas pour moi, et dès lors je ne puis goûter aucun plaisir. Il m’est impossible d’empêcher ma raison de fonctionner. Dans les endroits les plus pathétiques, ce sont des réflexions, des révoltes du bon sens, qui me gâtent absolument les meilleures scènes. Pourquoi tel personnage fait-il cela ? pourquoi tel autre dit-il ceci ? c’est ridicule, c’est puéril, et le reste. Je passe les soirées, dans mon fauteuil, à couver de grosses colères, lorsque naturellement je ne demanderais pas mieux que de m’amuser en digne bourgeois. Une scène vraie arrive-t-elle, je suis pris tout entier, et je sens bien que la salle est prise comme moi. La vérité est donc la grande force au théâtre, la seule