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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/412

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en question voulaient bien être logiques ! Je leur ai entendu dire que Touroude avait le don, c’est-à-dire qu’il apportait ce métier du théâtre, sans lequel, selon eux, on ne saurait écrire une bonne pièce. Un joli don, en vérité, si ce don conduit aux derniers drames de Touroude ! On voit par lui à quoi sert de naître auteur dramatique, lorsqu’on ne naît pas en même temps écrivain et poète. Il serait grand temps de proclamer une vérité : c’est qu’en littérature, au théâtre comme dans le roman, il faut d’abord aimer les lettres. L’écrivain passe le premier, l’homme de métier ne vient qu’au second rang.

Je retombe ici dans l’éternelle querelle. Notre critique contemporaine a fait du théâtre un terrain fermé où elle admet les seuls fabricants, en consignant à la porte les hommes de style. Le théâtre est ainsi devenu un domaine à part, dans lequel la littérature est simplement tolérée. D’abord, sachez-fabriquer une machine dramatique selon le goût du jour ; ensuite, écrivez en français si vous pouvez, mais cela n’est pas absolument nécessaire. Même cela gêne, car il est passé en axiome qu’un écrivain de race est un gêneur sur les planches ; les directeurs se sauvent, les acteurs sont paralysés, jusqu’au pompier de service qui sourit avec mépris !

Il n’y a qu’en France, à coup sûr, qu’on se fait une si étrange idée du théâtre. Et encore cette idée date-t-elle uniquement de ce siècle. Notre critique a rabaissé la question au point de vue des besoins de la foule. Il faut des spectacles, et l’on a imaginé une formule expéditive pour fabriquer des spectacles qui puissent plaire au plus grand nombre. De cette manière, notre critique s’occupe seulement de la fabrication