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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/411

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re d’Alfred Touroude. Il paraissait bien oublié ; la mort, en une seule année, l’avait pris tout entier, et il a fallu le chômage des grosses chaleurs, l’embarras des critiques qui ne savent comment emplir leurs articles, pour ressusciter cet auteur dramatique déjà couché dans le néant.

La mort d’Alfred Touroude a été un deuil pour ses amis. Mais l’art n’avait déjà plus à pleurer en lui, malgré sa jeunesse, un talent dans la fleur de ses promesses. Il est peu d’exemples d’une carrière si courte et si bornée. Acclamé à ses débuts, il avait prouvé son impuissance, dès sa troisième ou quatrième pièce. Il décourageait ceux qui espéraient en son tempérament, il montrait de plus en plus l’impossibilité radicale où il était de mettre debout une œuvre littéraire. Chaque nouveau pas était une chute. Quand il est mort, à moins d’un de ces prodiges de souplesse dont sa nature brutale ne semblait guère capable, on n’osait plus attendre de lui une de ces œuvres complètes et décisives qui classent un homme.

Et veut-on savoir où était sa plaie, à mon sens ? Il ne savait pas écrire, il fabriquait ses pièces comme un menuisier fabrique une table, à coups de scie et de marteau. Son dialogue était stupéfiant de phrases incorrectes, de tournures ampoulées et ridicules. Et il n’y avait pas que le style qui montrât le plus grand dédain de l’art, la contexture des pièces elle-même indiquait un esprit dépourvu de littérature, incapable d’un arrangement équilibré de poète. Il faisait en un mot du théâtre pour faire du théâtre, comme certains critiques veulent qu’on en fasse, sans se soucier d’autre chose que de la mécanique théâtrale.

Quel exemple plein d’enseignements, si les critiques