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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/415

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des peintures humaines, on demande les secousses d’une intrigue. On s’est habitué à la récréation d’un spectacle mouvementé, la routine est venue, les pièces qui sortent du patron adopté paraissent ennuyeuses ou bizarres. Et ce n’est pas seulement le gros public qui a besoin aujourd’hui de ces parades de foire, le public délicat lui-même a été atteint et réclame des œuvres amusantes comme des histoires de revenants ou de voleurs. La littérature ne suffit plus, elle fait bâiller.

Ajoutez à cela notre esprit latin, notre besoin de symétrie, et vous comprendrez comment le théâtre est devenu chez nous un problème d’arithmétique, une manière d’accommoder un fait, de la même façon qu’on résout une règle de trois. Un code a été écrit, les auteurs dramatiques sont devenus des arrangeurs, se moquant de la vérité, de la littérature et du bon sens.

Alfred Touroude est donc, selon moi, une victime du métier. La critique, en déclarant solennellement qu’il avait le don, l’a gonflé d’un orgueil immense. Dès lors, il s’est cru le maître du théâtre, il s’est enfoncé dans les sujets les plus étranges, il s’est imaginé qu’il lui suffisait de charpenter un fait pour composer un chef-d’œuvre. Je me souviens du premier acte de Jane. Cela était très saisissant, en effet. Une femme venait d’être violée. La toile se levait, et on la voyait évanouie après l’attentat, revenant lentement à elle, avec l’horreur du souvenir qui s’éveillait. Puis, lorsque son mari entrait, elle lui disait tout, dans une scène très puissante. Mais comme cela était gâté par la langue, comme l’auteur tirait un pauvre parti de la situation, uniquement parce qu’il ne savait pas