Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/416

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la développer ! Donnez ce premier acte à un écrivain, el vous verrez quel tableau complet il en fera. Cela deviendra une tragédie éternelle de vérité et de beauté.

La conclusion est aisée. Touroude ne vivra pas, parce qu’il n’a pas été écrivain. Le don du théâtre n’est rien sans le style. Il peut arriver qu’une pièce solidement fabriquée ait un succès ; mais ce succès est une surprise et ne saurait durer, si la pièce manque de mérite littéraire.


VI

On se souvient du succès obtenu autrefois par Jean la Poste, le gros mélodrame de M. Dion Boucicault, adapté à la scène française par M. Eugène Nus. L’Ambigu a repris dernièrement ce mélodrame.

Je ne le connaissais pas, j’ai donc pu le juger dans toute la fraîcheur d’une première impression. Eh bien ! mon sentiment, pendant les dix tableaux, a été un sentiment de grande tristesse. Je trouve absolument fâcheux que, sous prétexte de lui plaire, on serve au peuple des œuvres d’un art si inférieur, où la vérité est blessée à chaque scène, où l’on ne saurait sauver au passage dix phrases justes et heureuses.

Je comprends d’ailleurs très bien le succès d’une pareille machine. Rien n’est plus touchant que l’intrigue : cette Nora se laissant accuser de vol pour sauver un proscrit, un noble dont elle est la sœur naturelle, et ce Jean se dévouant pour sa fiancée Npra, prenant le vol à son compte, se faisant condamner à être pendu. Cela remue les plus beaux sentiment