Aller au contenu

Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/48

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’on leur a prises. Et j’insiste sur l’innocence parfaite de ces plagiats, on s’imagine de très bonne foi avoir tenté un effort considérable d’originalité.

Les critiques qui font du théâtre une science et qui proclament la nécessité absolue de la mécanique théâtrale, expliqueront le fait en disant qu’il faut être écolier avant d’être maître. Pour eux, il est fatal qu’on passe par Scribe et M. d’Ennery, si l’on veut un jour connaître toutes les finesses du métier. On étudie naturellement dans leurs œuvres le code des traditions. Même les critiques dont je parle croiront tirer de cette imitation inconsciente un argument décisif en faveur de leurs théories : ils diront que le théâtre est à un tel point une pure affaire de charpente, que les débutants, malgré eux, commencent presque toujours par ramasser les vieilles poutres abandonnées pour en faire une carcasse à leurs œuvres.

Quant à moi, je tire de l’aventure des réflexions tout autres. Je demande pardon si je me mets en scène ; mais j’estime que les meilleures observations sont celles que l’on fait sur soi. Pourquoi, lorsqu’à vingt ans je rêvais des plans de drames et de comédies, ne trouvais-je jamais que des coups de théâtre las de traîner partout ? Pourquoi une idée de pièce se présentait-elle toujours à moi avec des combinaisons connues, une convention qui sentait le monde des planches ? La réponse est simple : j’avais déjà l’esprit infecté par les pièces que j’avais vu jouer, je croyais déjà à mon insu que le théâtre est un coin à part, où les actions et les paroles prennent forcément une déviation réglée d’avance.

Je me souviens de ma jeunesse passée dans une petite ville. Le théâtre jouait trois fois par semaine, et j’