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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/67

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Le public est regardé comme souverain, voilà la vérité. Les meilleurs de nos critiques se fient à lui, consultent presque toujours la salle avant de se prononcer. Ce respect du public procède de la routine, de la peur de se compromettre, du sentiment de crainte qu’inspire tout pouvoir despotique. Il est très rare qu’un critique casse l’arrêt d’une salle qui applaudit. La pièce a réussi, donc elle est bonne. On ajoute les phrases clichées qui ont traîné partout, on tire une morale à la portée de tout le monde, et l’article est fait.

Comme il est difficile de savoir qui commence à se tromper, du public ou de la critique ; comme, d’autre part, la critique peut accuser le public de la pousser dans des complaisances fâcheuses, tandis que le public peut adresser à la critique le même reproche : il en résulte que le procès reste pendant et que le tohu-bohu s’en trouve augmenté. Des critiques disent avec un semblant de raison : « Les pièces sont faites pour les spectateurs, nous devons louer celles que les spectateurs applaudissent. » Le public, de son côté, s’excuse d’aimer les pièces sottes, en disant : « Mon journal trouve cette pièce bonne, je vais la voir et je l’applaudis. » Et la perversion devient ainsi universelle.

Mon opinion est que la critique doit constater et combattre. Il lui faut une méthode. Elle a un but, elle sait où elle va. Les succès et les chutes deviennent secondaires. Ce sont des accidents. On se bat pour une idée, on rapporte tout à cette idée, on n’est plus le flatteur juré de la foule ni l’écrivain indifférent qui gagne son argent avec des phrases.

Ah ! comme nous aurions besoin de ce réveil !