Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/71

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ce qui s’est passé bien souvent. Toute la querelle est dans ces deux façons d’être : ceux qui songent uniquement au succès et qui l’atteignent en flattant une génération ; ceux qui songent uniquement à l’art et qui se haussent pour voir, par-dessus la génération présente, les générations à venir.

Plus je vais, et plus je suis persuadé d’une chose : c’est qu’au théâtre, comme dans tous les autres arts d’ailleurs, il n’existe pas de règles véritables en dehors des lois naturelles qui constituent cet art. Ainsi, il est certain que, pour un peintre, les figures ont fatalement un nez, une bouche et deux yeux ; mais quant à l’expression de la figure, à la vie même, elle lui appartient. De même au théâtre, il est nécessaire que les personnages entrent, causent et sortent. Et c’est tout ; l’auteur reste ensuite le maître absolu de son œuvre.

Pour conclure, ce n’est pas le public qui doit imposer son goût aux auteurs, ce sont les auteurs qui ont charge de diriger le public. En littérature, il ne peut exister d’autre souveraineté que celle du génie. La souveraineté du peuple est ici une croyance imbécile et dangereuse. Seul le génie marche en avant et pétrit comme une cire molle l’intelligence des générations.


III

Il est admis que les gens de province ouvrent de grands yeux dans nos théâtres, et admirent tout de confiance. Le journal qu’ils reçoivent de Paris a parlé, et l’on suppose qu’ils s’inclinent très bas, qu’ils n’osent juger à leur tour les pièces centena