Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/72

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ires et les artistes applaudis par les Parisiens. C’est là une grande erreur.

Il n’y a pas de public plus difficile qu’un public de province. Telle est l’exacte vérité. J’entends un public formé par la bonne société d’une petite ville : les notaires, les avoués, les avocats, les médecins, les négociants. Ils sont habitués à être chez eux dans leur théâtre, sifflant les artistes qui leur déplaisent, formant leur troupe eux-mêmes, grâce à l’épreuve des trois débuts réglementaires. Notre engouement parisien les surprend toujours, parce qu’ils exigent avant tout d’un acteur de la conscience, une certaine moyenne de talent, un jeu uniforme et convenable ; jamais, chez eux, une actrice ne se tirera d’une difficulté par une gambade ; rien ne les choque comme ces fantaisies que l’argot des coulisses a nommées des « cascades ». Aussi, quand ils viennent à Paris, ne peuvent-ils souvent s’expliquer la vogue extraordinaire de certaines étoiles de vaudeville et d’opérette. Ils restent ahuris et scandalisés.

Vingt fois, d’anciens amis de collège, débarqués à Paris pour huit jours, m’ont répété : « Nous sommes allés hier soir dans tel théâtre, et nous ne comprenons pas comment on peut tolérer telle actrice ou tel acteur. Chez nous, on les sifflerait sans pitié. » Naturellement, je ne veux nommer personne. Mais on serait bien surpris, si l’on savait pour quelles étoiles les gens de province se montrent si sévères. Remarquez qu’au fond leurs critiques portent presque toujours juste. Ce qu’ils ne veulent pas comprendre, c’est le coup de folie de Paris, cette flamme du succès qui enlève tout, ces triomphes d’un jour que nous faisons surtout aux femmes, lorsqu’elles ont, en