Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/73

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dehors de leur plus ou de leur moins de talent, le quelque chose qui nous gratte au bon endroit.

L’air de la province est autre. Les provinciaux ne vivent pas dans notre air, et c’est pourquoi ils suffoquent à Paris. En outre, il faut faire la part d’une certaine jalousie. Le point est délicat, je ne voudrais pas insister ; mais il est évident que la continuelle apothéose de Paris finit par agacer les bons bourgeois des quatre coins de la France. On ne leur parle que de Paris, tout est superbe à Paris ; alors, lorsqu’ils peuvent surprendre Paris en flagrant délit de mensonge et de bêtise, ils triomphent. Il faut les entendre : Vraiment, les Parisiens ne sont pas difficiles, ils font des succès à des cabotins que Marseille ou Lyon a usés, ils s’engouent des rebuts de Bordeaux ou de Toulouse. Le pis est que les provinciaux ont souvent raison. Je voudrais qu’on les écoutât juger en ce moment les troupes de l’Opéra et de l’Opéra-Comique. Et ils retournent dans leurs villes, en haussant les épaules.

Ajoutez que le tapage de nos réclames irrite et déroute les gens qui, à cent et deux cents lieues, ne peuvent faire la part de l’exagération. Ils ne sont pas dans le secret des coulisses, ils ne devinent pas ce qu’il y a sous une bordée d’articles élogieux, lancée à la tête du premier petit torchon de femme venu. Nous autres, nous sourions, nous savons ce qu’il faut croire. Eux, dans le milieu mort de leurs villes, en dehors de notre monde, doivent tout prendre argent comptant. Pendant des mois, ils lisent au cercle que mademoiselle X… est une merveille de beauté et de talent. A la longue, ils prennent du respect pour elle. Puis, quand ils la voient, leur