Aller au contenu

Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

On est même allé plus loin, on a prétendu qu’il était impossible de bien connaître l’homme, si on ne l’analysait pas avec son vêtement, sa maison, son pays. Dès lors, les personnages abstraits ont disparu. On a présenté des individualités, en les faisant vivre de la vie contemporaine.

Le théâtre a fatalement obéi à cette évolution. Je sais que certains critiques font du théâtre une chose immuable, un art hiératique dont il ne faut pas sortir. Mais c’est là une plaisanterie que les faits démentent tous les jours. Nous avons eu les tragédies de Voltaire, où le décor jouait déjà un rôle ; nous avons eu les drames romantiques qui ont inventé le décor fantaisiste et en ont tiré les plus grands effets possibles ; nous avons eu les bals de Scribe, dansés dans un fond de salon ; et nous en sommes arrivés au cerisier véritable de l’Ami Fritz, à l’atelier du peintre impressionniste de la Cigale, au cercle si étonnamment exact du Club. Que l’on fasse cette étude avec soin, on verra toutes les transitions, on se convaincra que les résultats d’aujourd’hui ont été préparés et amenés de longue main par l’évolution même de notre littérature.

Je me répète, pour mieux me faire entendre. Le malheur, ai-je dit, est qu’on veut mettre le théâtre à part, le considérer comme d’essence absolument différente. Sans doute, il a son optique. Mais ne le voit-on pas de tout temps obéir au mouvement de l’époque ? A cette heure, le décor exact est une conséquence du besoin de réalité qui nous tourmente. Il est fatal que le théâtre cède à cette impulsion, lorsque le roman n’est plus lui-même qu’une enquête universelle, qu’un procès-verbal dressé sur chaque