Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/97

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fait. Nos personnages modernes, individualisés, agissant sous l’empire des influences environnantes, vivant notre vie sur la scène, seraient parfaitement ridicules dans le décor du dix-septième siècle. Ils s’asseoient, et il leur faut des fauteuils ; ils écrivent, et il leur faut des tables ; ils se couchent, ils s’habillent, ils mangent, ils se chauffent, et il leur faut un mobilier complet. D’autre part, nous étudions tous les mondes, nos pièces nous promènent dans tous les lieux imaginables, les tableaux les plus variés doivent forcément défiler devant la rampe. C’est là une nécessité de notre formule dramatique actuelle.

La théorie des critiques que fâche cette reproduction minutieuse, est que cela nuit à l’intérêt de la pièce jouée. J’avoue ne pas bien comprendre. Ainsi, on soutient cette thèse que seuls les meubles ou les objets qui servent comme accessoires devraient être réels ; il faudrait peindre les autres dans le décor. Dès lors, quand on verrait un fauteuil, on se dirait tout bas : « Ah ! ah ! le personnage va s’asseoir » ; ou bien, quand on apercevrait une carafe sur un meuble : « Tiens ! tiens ! le personnage aura soif » ; ou bien, s’il y avait une corbeille à ouvrage au premier plan : « Très bien ! l’héroïne brodera en écoutant quelque déclaration. » Je n’invente rien, il y a des personnes, paraît-il, que ces devinettes enfantines amusent beaucoup. Lorsque le salon est complètement meublé, qu’il se trouve empli de bibelots, cela les déroute, et ils sont tentés de crier : « Ce n’est pas du théâtre ! »

En effet, ce n’est pas du théâtre, si l’on continue à vouloir regarder le théâtre comme le triomphe quand même de la convention. On nous dit : « Quoi que vous